vendredi 26 avril 2013

S’ennuyer au travail a du bon de “ Being bored at work can make us more creative”


Nous sommes souvent surpris par des collaborateurs qui effectuent des tâches algorithmiques toute la journée, tâches qui nécessitent de suivre des instructions préalablement définies selon un processus unique pour atteindre un résultat défini unique.  Ceux-ci, hors du travail, ont pourtant créé un site de vente en ligne, se sont engagés dans une ONG, sont maire de leur commune, peignent et/ou dessinent, écrivent,…Ces collaborateurs  ont réussi mettre en œuvre leurs idées.  Ils se consoleront de constater que celles-ci n’auraient pu être réalité si leur patron leur avait donné la possibilité d’être créatif dans le travail…

En effet, "s'ennuyer au travail est souvent perçu comme une expérience négative".  Une étude suggère que s’ennuyer peut avoir des résultats positifs, comme  une amélioration  de la créativité.  Nous aurons du temps pour rêvasser.  Telle est la conclusion du Dr Sandi Mann et Rebekah Cadman de l’« University of Central Lancashire ». 

"L'ennui au travail a toujours été considéré comme quelque chose à éliminer".  Deux études ont été conduites.  40 personnes ont été invitées à effectuer une tâche ennuyeuse (copier les numéros d'un annuaire téléphonique) pendant 15 minutes, et ont ensuite été invitées à remplir une autre tâche leur donnant une chance de montrer leur créativité.  Les 40 personnes qui ont été soumises au préalable à une tâche ennuyeuse ont été plus créatives que les personnes d’un autre groupe qui ont commencé directement la  tâche créative.

Aujourd’hui, dit encore Dr Mann  « Ce que nous voulons faire maintenant, c'est d’en comprendre les implications pratiques :  Les gens qui s'ennuient au travail deviennent plus créatifs dans d'autres domaines de leur travail - ou ils rentrent chez eux et écrivent des romans ? »

Source : British Psychological Society (BPS) (2013, January 9). Being bored at work can make us more creative. ScienceDaily. Retrieved April 26, 2013, from http://www.sciencedaily.com­ /releases/2013/01/130108201517.htm

vendredi 19 avril 2013

Si Deming nous parlait des normes ISO 9000, 9001 et 9004

Ci-dessous, un article publié dans le Guide Luxembourgeois pour la Qualité 2013 (page 39-41).

http://www.mlq.lu/mmp/online/website/home/news/820_FR.html


Deming est souvent présenté comme l’homme qui a inventé la Qualité, même si il n’a jamais apprécié la popularité. Il nous a laissé un héritage qui continue à s'améliorer notamment à travers certains experts transformationnels du Lean, de la Systémique et de la Théorie des Contraintes, qui remettent en question les paradigmes « tayloriens commandes et contrôles ».  Nigel Croft[1], Président d’ISO/TC176/SC2, responsable ISO 9001 et 9004, ne cache d’ailleurs pas l’influence de Deming sur ISO 9000-1-4 (ISO).

Le but du « Système de Management Qualité » de Deming est d’apprendre aux entreprises à maîtriser la qualité des produits et des services afin de donner à leurs clients la meilleure satisfaction possible au moindre coût[2]. Celui-ci repose sur 4 piliers interdépendants constitutifs de la méthode de la Connaissance Approfondie : la vision systémique, la prise en compte des variations, l’approche cognitive et la psychologie. Le point de départ de cette méthode est la transformation individuelle des Leaders via l’apprentissage[3].  Les meilleurs efforts ne suffisent pas[4], la volonté d’apprendre n’est donc pas suffisante. Les leaders devront, le cas échéant, accompagnés d’un expert, agir en sachant quoi faire. La mise en œuvre de la méthode passera par une remise en question des croyances sur les gens (confiance et respect), sur le travail  (amélioration continue par apprentissage), sur le système de mesure (considérer la variation) et sur le client (Tagushi[5]).  Deming porte ainsi la question de la Qualité sur le Management, qui désireux d’apprendre, aura défini le but de l’entreprise et permettra à ses collaborateurs de comprendre et d’améliorer l’expérience de ses clients.  Cet apprentissage passe par la mise en place d’un cadre sécurisé (absence de blâme), permettant d’apprendre à apprendre en se posant les bonnes questions et en prenant des actions pour solutionner les vrais problèmes.  Ne se fiant plus à leur expérience, ils expérimentent (Plan-Do-Check-Act) sur base de théories/d’intuitions conscientes et améliorent ainsi continuellement et durablement les produits et services tout en proposant de nouveaux.  Partageant un même but, lui et ses équipes intrinsèquement motivées amélioreront la Qualité.  C’est en l’améliorant qu’ils améliorent durablement la productivité, diminuent les coûts pour les clients, gagnent de nouvelles parts de marché et ainsi créent plus d’emplois[6]. 

Pour le « Système de Management Qualité ISO», le but poursuivi[7] par la norme est de « spécifier les exigences fondamentales auxquelles un organisme doit satisfaire pour démontrer son aptitude à fournir régulièrement des produits qui améliorent la satisfaction des clients tout en étant conformes aux exigences légales et réglementaires applicables. Rien de plus, rien de moins ». Selon Nigel Croft, « ISO ne doit pas être considéré comme un modèle pour atteindre l’excellence, ou même survivre dans un marché toujours plus concurrentiel »[8]. ISO  garantit en premier lieu la capacité des processus à fournir un produit conforme aux exigences des clients.

Les 2 Systèmes de Management de Qualité n’adressent donc pas les mêmes buts.  Des raisons d’échouer dans l’amélioration d’un Système de Management Qualité seront donc soit l’absence de volonté de remise en question du Leader et/ou l’approche/la méthode codifiée (boîte à outil) de l’expert qui ne l’aide pas à remettre en question le  paradigme « commande et contrôle ».

Les premiers propos sur ISO prêtés à Deming[9] sont très sarcastiques  ISO  témoigne d’un manque de « cerveaux ».  Entretemps en 2000, la norme a connu une refonte complète remettant en question le principe, « On définit par écrit ce que l'on doit faire, et on fait ce que l'on a écrit. » réduisant ainsi la bureaucratie. J.M. GOGUE[10], élève de Deming, considère encore le système ISO comme un système de pensée différent voire contradictoire de celui de Deming. Il est notamment critique sur les conséquences et le  principe de certification.  JURAN[11], un des principaux fondateurs des démarches qualité et élève de SHEWART comme Deming, explique lui le succès par le fait que de nombreuses entreprises ne peuvent pas se mettre dans une situation où leur concurrent est certifié et eux ne le sont pas. « La certification ISO ne garantit pas que l’entreprise certifiée ait des produits de qualité supérieure à celle qui ne l’est pas. Au lieu d’engager une amélioration révolutionnaire, les sociétés se sont empressées de mettre en place la norme ISO 9000, s’enfermant dans une norme  médiocre ».  Nigel CROFT est particulièrement conscient des dérives. « La  norme est un excellent outil lorsqu’elle est utilisée dans le droit chemin, le bon contexte et pour les bonnes raisons.  Malheureusement, selon lui, « peu de professionnels ont pris la peine de bien comprendre les principes ISO 9000  trop désireux de se rendre à la clause 4.1. ISO 9001 définissant les exigences pour être certifiés »[12]. 

Deming n’ignorait pas ISO et accepterait certainement que la norme a facilité les échanges internationaux et en a allégé l’administration, pour autant il n’en attendrait pas plus que son but.  ISO appliquée sans remise en question du système de pensée n’améliorera pas la Qualité.  Engager une démarche ISO pour la certification, tout comme engager une démarche ISO/Lean comme une approche de réduction de coûts ne permettra pas d’affirmer sa position sur le marché par une amélioration de la qualité de son service, mais permettra tout au plus de survivre un peu plus longtemps.

Dans un Système de Management de Qualité efficient, l’implémentation de la norme ISO sera presque implicite. FAVI a été la première fonderie certifiée ISO[13]. Lors de la conférence PIOM 2012,  JF ZOBRIST[14] a partagé avec nous les  « 4 principes systémiques » qu’il a mis en place au sein de FAVI : 1. Partager un rêve (Vivre à Hallencourt) 2. Interdépendance des tâches des opérateurs permettant l’auto-organisation sans contrôle et 3. La fixation de deux valeurs limites qui « fixent » la liberté de chacun : « l'homme est bon et l'amour du client ». 4. Un objectif commun : « toujours plus et mieux pour moins cher pour mon client ».  Le but est de survivre tout en gagnant de l’argent à travers une démarche qualité permettant de multiplier par six ses effectifs, par dix son chiffre d’affaires et ce avec une marge confortable.  Tous ses concurrents régionaux ont pratiquement disparus.  La norme ISO a été mise en œuvre, avec beaucoup de bon sens, par un ouvrier qui travaillait dans un bon système et qui en retiré des choses simples et utiles.

A travers la crise que nous traversons, Deming nous mettrait en garde contre le culte de la qualité et du profit à court terme. Certaines sociétés continueront à mettre en œuvre ISO  pour la norme et non pourquoi et pour qui et continueront à utiliser le lean pour la productivité/la réduction des coûts à court terme, …,  et non pour remettre en question leurs paradigmes qui permettrait d’améliorer durablement la qualité des services et produits. Comme le dit Deming : « Il n’est pas nécessaire de changer, la survie n’est pas obligatoire ». 


[1] NIGEL CROFT. 25 years of ISO 9000. In : The CQI conference 2012. Site disponible sur  http://www.cqiconference.org/conference-news/iso-9000/.  (Page consultée le 12/02/2013).
[2] W.E. DEMING. Hors de la crise.  3ème édition. Paris : Economica, 2002 ,  8 et 9 p.
[3] W.E. DEMING. Hors de la crise.  3ème édition. Paris : Economica, 2002 , 14 et 15 p.
[4] W.E. DEMING. Hors de la crise.  3ème édition. Paris : Economica, 2002 , 75 p.
[5] Minimiser les variations autour de la valeur nominale définie par le client
[6] W.E. DEMING. Hors de la crise.  3ème édition. Paris : Economica, 2002 , 20 p.
[8] NIGEL CROFT. 25 years of ISO 9000. In : The CQI conference 2012. Site disponible sur  http://www.cqiconference.org/conference-news/iso-9000/.(Page consultée le 12/02/2013).
 [9] SCOTT PATTON. Four days with W. Edwards Deming.  In :  The W. Edwards Deming Institute.  Site disponible sur  http://deming.org/index.cfm?content=653 (Page consultée le 13/02/2013)
[10] JM GOGUE. Interprétation de la norme ISO 9001 au regard de la philosophie de Deming. In: AFED, Paris.  Site disponible sur http://www.fr-deming.org/afed-Syst.ISO.pdf  (Page consultée le 13/02/2013)
[11] SCOTT PATTON.  A century of quality, an interview with a quality legend. Site disponible sur http://www.qualitydigest.com/feb99/html/body_juran.html  - http://www.qualitydigest.com/aug02/articles/01_article.shtml. (Page consultée le 12/02/2013).
[12] NIGEL CROFT. 25 years of ISO 9000. In : The CQI conference 2012. Site disponible sur  http://www.cqiconference.org/conference-news/iso-9000/.(Page consultée le 12/02/2013).
[13]CHRISTIAN DOUCET. Voyage au cœur de la qualité, une entreprise pas comme les autres.  Qualité Références ,  2007, 21 et 23 p.

mercredi 17 avril 2013

Un système de pensée à 2 vitesses

L’étude de la Cass Business School publiée ce 15 avril a récemment stigmatisé le trader affecté par la confiance en leur propre expertise (http://www.cass.city.ac.uk/news-and-events/news/2013/april/monkeys-beat-market-cap-indices).   Selon celle-ci, des indices boursiers constitués de manière aléatoire, comme un singe le ferait, aura des performances supérieures que des indices pondérés par capitalisation boursière .  "La quasi-totalité des 10 millions de singes gestionnaires de fonds ont réalisé de meilleures performances que les indices pondérés par capitalisation" selon Andrew Clare.  Cette expérience n’est pas sans rappeler l’expérience de Burton Malkiel (Princeton), « A Random Walk Down Wall Street « dans laquelle le singe aux yeux bandés composait un portefeuille d’investissement aussi performant que les experts.  Et donc une décision d’un trader est tout aussi efficace qu’un pari hasardeux d’un singe ?  Est-ce qu’une action « raisonnée » a  autant de valeur qu'un pari hasardeux ?  Sommes-nous talentueux parce que nous avons de la chance ? Sommes-nous biaisés par la confiance que nous donnons à notre propre expertise ? …

Le livre Système 1 Système 2, les deux vitesses de la pensée (traduction de Thinking, Fast and Slow ) vous aidera à réfléchir à ces questions.  Ce livre a été écrit par Daniel Kahneman, prix Nobel 2002 d’Economie mais  psychologue de formation.  Dans ce livre le Système 1 (pensée rapide et incontrôlée) et le Système 2 (pensée lente, statistique et contrôlée) sont  présentés comme les deux personnages centraux de notre esprit. 
A travers une approche scientifique, l’auteur nous invite à une approche autocritique de nos propres modes de raisonnement et nous invite à prendre consciences des biais cognitifs, des croyances qui nous amènent à prendre des décisions, à tirer des conclusions hâtives.  Rien que pour cela, ce livre mérite donc d’être lu.
Notre système de pensée 1 est fainéant ainsi nous avons tendance à croire celui qui s’adresse à nous avec des messages simples, à croire des réponses qui nous paraissent familières, à juger comme plus justes des aphorismes quand ils riment que quand ils ne riment pas …Certes l’objectif n’est pas de démontre à quel point nous sommes idiots mais de nous montrer à quel point nous sommes gouverner par le Système 1.  Nous accordons beaucoup plus d’importances à la personne, à la manière dont elle s’exprime, à la confiance que nous lui accordons…
La fonction principale du Système 1 est donc d’entretenir notre cadre de référence du monde : ce que nous trouvons normal.  Même si nos modes de raisonnement nous paraissent cohérents et rationnels, ceux-ci sont gouvernés par des biais cognitifs. 
Ainsi notre esprit humain a tendance à obéir à la paresse et à la loi du moindre effort, ainsi nous tirons des conclusions hâtives, ainsi nous avons tendance à nous croire plus intelligent que nous sommes, ainsi l’effet de halo nous pousse à aimer ou détester tout en bloc chez une personne, y compris ce que nous n’avons pas observé, ainsi nous remplaçons la difficulté d’une question et d’un jugement par la facilité, ainsi nous répondons à des questions difficiles en changeant la question pour la rendre accessible…
L’auteur  insistera sur l’importance de penser de façon statistique car nombreux d’entre nous se basent sur des intuitions causales qui pourtant devraient se faire via un raisonnement statistique.   Le Système 1 n’a pas la capacité de fonctionner de la sorte d’où l’importance d’apprendre à notre Système 2 de penser de façon statistique.   L’absence de pensée statistique fait que nous tirons des conclusions sur base d’informations limitées.  Les causes écrasent les statistiques.  L’auteur  nomme ce « mécanisme » COVERA (ce qu’on voit et rien d’autre).  Notre système de pensée 1 est insensible tant à la qualité qu’à la quantité des informations qui donnent naissance à nos intuitions. Ce qui paraît vrai est bien souvent ce que nous trouvons juste. 
Un livre qui nous permettra de découvrir plus en profondeur  les facultés de notre Système de Pensée. Même si ce livre est volumineux, il se lira avec facilité. Lecture recommandée.